Suivre sa vraie nature: entrevue avec Gabrielle Lacasse

Gabrielle Lacasse est de celles qui tracent leur propre chemin. Pas de celles qui foncent la tête baissée, dans l’insouciance, mais plutôt qui étudient leurs objectifs pour définir la meilleure route avant de se lancer.

On est en 2010. Instagram vient d’être créé, c’est l’âge d’or des blogues personnels et les termes influenceur ou créateur de contenu n’existe pas vraiment.

Gabrielle, alors enseignante au secondaire, cherche un médium créatif pour s’exprimer. «J’étais formée pour enseigner le français, mais la réalité du système a fait que je n’ai jamais pu enseigner cette matière. Je voulais être créative dans mon approche. Monter des pièces de théâtre, étudier de bons romans…»

«J’ai plutôt hérité de classes d’adaptation scolaire. J’ai aimé ça, mais l’enseignement c’est une vocation. Et après 5 ans, je n’en pouvais plus. J’ai beaucoup d’admiration pour les enseignants, je suis entièrement derrière eux. Mais j’avais besoin d’autre chose.»

«J’ai été l’une des premières à me lancer dans la création de contenu à temps plein au Québec et à en vivre. Il n’y avait pas de modèles. J’ai fait un plan pour y arriver. J’ai tout mis en place pour m’assurer d’avoir assez de revenus, assez de clients, et j’ai attendu la fin de l’année scolaire pour me lancer pour de bon.»

«À l’époque, je n’avais pas d’enfants, pas d’hypothèque, moins de responsabilités. Mais je prendrais la même décision aujourd’hui. J’aime la liberté, la créativité que le travail autonome m’apporte.»

Se donner la possibilité d’évoluer

L’appel du renouveau s’est d’ailleurs refait sentir en 2019, année où Gabrielle a officiellement décidé de poursuivre une carrière en photographie. «Je voulais me décentraliser de moi-même. En créant du contenu, forcément, mon sujet c’était moi. J’avais besoin de changer de sujet.»

Gabrielle admet elle-même avoir une vision détachée par rapport à sa carrière. «Je ne sais pas d’où ça vient. Les gens de mon entourage n’ont pas des parcours atypiques. Changer de carrière, essayer différentes choses, ça ne me fait pas peur. Je sais que l’argent est important – l’épicerie coûte cher pour tout le monde! Mais le comment je vais faire l’argent dont j’ai besoin, ça ne me stresse pas.»

«J’ai le sentiment d’imposteur parfois – je suis une femme, ça vient malheureusement avec. Mais je ne veux pas me mettre de barrières. J’aime explorer de nouvelles avenues, et je ne vois pas le problème d’essayer un nouveau métier. Quand j’ai une idée, je réfléchis, je planifie, j’économise, je fais attention. Et une fois que tout est en place, je me lance.»

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Trouver ce qui remplit notre coupe

Quand on lui demande quel est son X, Gabrielle a trois réponses. «Une journée de shoot, une journée avec ma fille et quand j’échange avec ma communauté.»

«Tout ça me comble, mais de manières très différentes. Alterner entre les trois, entre ma vie créative, professionnelle et familiale, me permet de me ressourcer. Si je n’avais qu’un seul de ces trois aspects à ma vie, je m’épuiserais.»

L’une des pratiques qui permet à Gabrielle d’entretenir son bien-être, c’est celui de la recherche au quotidien de ce qu’elle appelle un greater purpose. «C’est venu beaucoup avec la naissance de ma fille. Tout d’un coup, tu réalises que tu n’es plus la personne la plus importante. Il y a quelque chose d’autre qui te pousse à vivre chaque jour, c’est viscéral. Et ça te pousse à mettre ton énergie ailleurs, à arrêter de te centraliser sur tes peurs et de te poser trop de questions.»

Adopter une mission personnelle

Pour Gabrielle, ces missions personnelles semblent souvent prendre la forme d’une attention particulière portée à l’impact de ses mots et de l’exemple qu’elle donne aux autres.

«Même si j’ai quitté l’enseignement, j’essaie quand même d’éduquer à ma manière. Le contenu de Dentelle Fleurs est centré sur la mode, la déco, le lifestyle. Je tente, parfois indirectement, d’inciter les gens à consommer de manière intelligente. J’achète beaucoup seconde main, je choisis des pièces durables, je fais le choix conscient de reporter les mêmes morceaux souvent dans mes photos. Je veux montrer qu’on peut avoir des goûts de luxe sans se ruiner.»

«C’est drôle, parce que j’ai parfois vu des discussions sur Reddit à propos du fait que je suis riche. Si quelqu’un voit mes photos et croit que mon chandail seconde main à 5$ m’a coûté une fortune, ma job est faite.»

Son autre mission: encourager la confiance. «Nos parents ne viennent pas d’une génération dans laquelle on donne confiance aux enfants. Ce n’est pas de leur faute, c’était la norme. On a souvent essayé de me pousser sur un chemin tracé, alors que mon cerveau ne fonctionne pas comme ça. J’aurais aimé savoir plus tôt qu’il y a plein de métiers, plein de choses qu’on peut faire et que le type d’intelligence que j’ai a une valeur. Qu’on peut miser sur autre chose que l’intelligence académique.»

«Ça a été la même chose quand je suis devenue mère. Longtemps, je n’étais pas certaine de vouloir des enfants. Je n’avais pas confiance en mes capacités. Je pensais que toutes les connaissances, les réflexes des parents, c’était inné. Je n’avais pas compris qu’on apprenait au fil du temps, parce qu’on n’a pas le choix d’apprendre.»

«Je veux que ma fille ait cette confiance-là. Je lui dis que tous les chemins sont ouverts, qu’elle est bonne. Pour que, quand elle trouvera ce qu’elle aime, elle fonce sans hésiter.»

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